Le récit et le visage : Christine

Christine et ses seins de jeune fille, 8 ans après la maladie

Christine a toujours eu peur du monde médical

« Longtemps, j’ai même été incapable de mettre les pieds dans une maternité ! Dès qu’il a fallu consulter, j’ai toujours choisi une clinique pour ne pas avoir à rentrer dans un hôpital », explique-t-elle. Une sainte horreur aux allures de « nosocoméphobie » (c’est le nom consacré !) qui pourtant s’effritera en quelques mois : en septembre 2013, son mari a un accident vasculaire cérébral et là, pas le choix Christine, on file à Bichat. Les 4 mois suivants, il faudra l’accompagner tous les jours en rééducation. « Je ne me posais déjà plus de question quand mon cancer est arrivé ».

Quand la maladie guérit la phobie médicale

On est en mai 2014 et, à la suite d’une mammographie, sa gynécologue lui fait deux ponctions, pour le verdict que l’on sait. Christine encaisse. « J’ai juste demandé où aller. Mon papa a été soigné pour un lymphome à Hartmann et, même si la maladie l’a emporté, je me suis toujours dit que c’était là que j’irais si quelque chose m’arrivait ». Elle se rend à l’Institut du Sein Henri-Hartmann. Chimiothérapie, radiothérapie, son oncologue lui prescrit un traitement de choc qui achève d’effacer son ancienne phobie médicale. L’intervention chirurgicale n’est pas une ablation : « j’ai gardé mon sein gauche mais il est plus petit que l’autre et il a la tête de travers », résume-t-elle.

 

La force en famille

« A Hartmann, on était à mon écoute, j’ai été cocoonée, choyée. Au bout d’un an, quand on m’a dit que c’était fini, j’ai eu l’impression de perdre une famille ». Pour comprendre Christine, il faut parler famille. Son homme, sa maman, sa cousine, son filleul et sa grand-mère, qui a alors 102 ans. Une famille incroyablement unie autour d’une Christine affectueuse et nourricière : « je suis une femme des années 60, heureuse chez elle à préparer de bons plats ! Aimer ma maison m’a permis de vivre le mieux possible mon arrêt-maladie ».

Parce que Christine arrête tout. Pas question de batailler de front avec les traitements et son métier. Coiffeuse, elle travaille alors dans ce même salon où elle a commencé à 19 ans et reçu récemment la médaille du travail des 30 ans. Elle y finira d’ailleurs sa carrière, le 1er janvier 2023 !

A Hartmann, on était à mon écoute, j’ai été cocoonée, choyée. Au bout d’un an, quand on m’a dit que c’était fini, j’ai eu l’impression de perdre une famille

La double opération est programmée mi-mai 2019. Valérie persiste dans la hargne guerrière.

Elle qui refuse la morphine a un mal fou à rester immobile. Or c’est indispensable.

« Muriel vient me voir et me dit que je suis un lion en cage et qu’elle va devoir m’attacher ! ».

Et Valérie comprend.

Elle apprécie la présence quotidienne de sa chirurgienne qui « sait faire oublier la dramaturgie,

le côté grave de la maladie. Avec elle, rien n’est inquiétant, tout a une solution. Ça devient simple, ça devient faisable. Elle m’apporte de la légèreté ». Il y a parfois du boulot :

« Il m’est arrivé de voir un truc bizarre dans mon miroir, à 7 h du matin, de lui envoyer la photo.

Elle m’a répondu dans le ¼ d’heure ».

Avec elle, rien n’est inquiétant, tout a une solution. Ça devient simple, ça devient faisable.
Tout ça c’est une chaîne de femmes

Du mamelon au sein libre

« Ma peur avait disparu quand j’ai rencontré Muriel », dit l’ancienne nosocoméphobique, « mais même à Hartmann, j’ai eu un coup de stress en arrivant. J’y ai retrouvé le Dr Saada qui avait été un amour 8 ans plus tôt, il m’a dit que ça allait bien se passer et m’a endormie en chantant. Au réveil, je n’avais pas mal mais une inquiétude, la même que la première fois : bouger mes bras.

Parce que moi, faut que je bouge ! ».

Pour parfaire le travail et retrouver un mamelon trop abîmé par la radiothérapie, Christine est confiée à Laurence Mazard, qui va lui tatouer en 3D un mamelon et une aréole conformes à ceux du sein droit. « Ça dure trois heures, c’est minutieux et c’est beau. Laurence a eu un cancer, elle sait par quoi on passe. C’est même comme ça qu’elle a choisie de devenir tatoueuse. Tout ça c’est une chaîne de femmes », raconte Christine.

Christine, qui n’avait jamais souffert du dos, ne ressent pas vraiment un soulagement d’être ainsi allégée, plutôt l’immense plaisir esthétique de porter des « seins de jeune fille » et de promener une silhouette affinée. Le mieux ? « Le bonheur des seins libres ! Vivre sans soutien-gorge, c’est canon ! Ça change la vie ! ». Il reste quelques mois de coiffure avant sa retraite. Alors qu’elle avait volontiers évoqué son cancer avec des clients qui traversaient ou avaient traversé le même genre de tempêtes, elle ne parlera pas de son passage chez Muriel…

il n’y a pas d’âge pour s’aimer

« Certains, et surtout certaines peuvent ne pas comprendre. Je n’ai aucune envie de réveiller les jalousies féminines et des commentaires du genre ‘à l’âge qu’elle a’ », explique-t-elle avant d’ajouter « il n’y a pas d’âge pour s’aimer. Bien sûr que je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt mais il y avait de la peur en moi, c’est comme ça ».

Aujourd’hui libre de son temps, Christine reste coquette, active, sociale.

« Je me coiffe et me maquille comme si j’allais travailler. Et je ne me laisse pas aller ».

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