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Un sacré pas devant lequel elle a longtemps vu des obstacles, depuis le collège et ces seins qui ne voulaient pas pousser. « A l’arrivée de la puberté j’ai pris des formes, mais sous la taille, rien au-dessus. Les copines allaient acheter des sous-vêtements, moi pas », ce que certains crétins de camarades résument en « y a tout qu’est tombé dans tes fesses ! ».
Les années passent et elle se fait à l’idée qu’elle ne dépassera ni le mètre 60 ni le (petit) bonnet A. Ce qui complique sacrément le bien-être et la confiance en soi de la jeune fille pour qui « les seins, c’est la féminité ».
Cette absence devient un complexe, mélange vicieux de honte et de secret. Hantise de la plage ou de la piscine, et vêtements oversize sur celle qui prend l’habitude de se camoufler. « Je m’exposais très peu, je n’avais pas envie de partir en vacances avec des amis, pour pas qu’ils me voient ». En famille, au moins, elle ose. Famille où génération après génération, toutes les femmes ont des poitrines généreuses…
A l’âge adulte, les remarques remplacent les insultes. « Dommage que tu n’aies pas de seins » dans la même phrase qu’un compliment. D’ailleurs même les compliments passent mal, Anouchka les réfute, elle se voit « comme une bouteille d’Orangina ». De bonnes âmes lui suggèrent la chirurgie, mais elle ne les a pas attendues pour que l’idée lui trotte en tête, au nom d’un principe limpide : « pourquoi serais je obligée de vivre avec ce complexe alors qu’il peut être corrigé ? ».
C’est vers 22 ans que cette petite voix du dedans franchit ses lèvres. Le temps aussi que la chirurgie esthétique soit débarrassée de son image bimbo dans l’esprit de la jeune femme et de son entourage. Les premières conversations avec sa maman butent sur l’inusable « attends d’avoir des enfants ». Rappelons au passage que, statistiquement les grossesses ne remplissent la poitrine que pour mieux la vider ensuite. Anouchka n’a pas envie d’attendre pour vérifier, attendre c’est cumuler des regrets, comme celui, qui serait insupportable de s’être mariée avec ce malaise qu’elle porte depuis ses 14 ans. Plein de blocages s’effritent, mais il en reste quelques gros dont « le plus dur, ne pas savoir à quoi on va ressembler après ». Repoussé par l’épidémie de Covid, son mariage approche et, avec lui, le sentiment que ça n’est plus possible de « continuer à être malheureuse ».
La consultation qui fait sauter les bouchons
Une amie de la famille est passée entre les mains de Muriel, c’est ainsi qu’Anouchka se rend un jour à son cabinet. « J’avais peur d’être jugée, comme je le suis depuis mon adolescence. Je me suis sentie jolie quand le Dr Perrault m’a regardée », et tout de suite la conversation bascule dans l’après.
« Je suis venue avec des photos, des idées de ce qui me plaisait. On a essayé des prothèses de soutien-gorge sous un haut blanc ». De quoi se figurer sa future silhouette et faire le fameux choix du bonnet : « Le C m’a sauté aux yeux, je m’y suis sentie bien ». Maman est rassurée, elle qui avouera avoir craint que sa fille rêve de ressembler à Lolo Ferrari. Incisions, position de la prothèse, options techniques : la jeune femme qui ne s’était pas « pollué la tête sur Internet » entend les réponses qui la confortent dans l’idée d’aller vite. Plus rien ne s’y oppose, notamment parce que sa maman a proposé de financer l’intervention. « Ça lui est venu comme une évidence, elle a voulu m’aider à être comme elle me voit. Son geste a retiré le dernier obstacle ».
Réveil post-opératoire. Anouchka sent que quelque chose a changé, pour la première fois son t-shirt est trop serré ! Pas de douleur, juste une sensation de compression. Ses yeux se posent sur ce qu’elle appelle « les deux copines » qui ont enfin poussé sur son torse. Puis c’est la découverte de cette chair douce qui caresse l’intérieur du bras quand elle le bouge, et ça la fait rire aux éclats. « Je suis contente immédiatement. Il reste à cicatriser et dégonfler mais c’est fait, c’est là. Je me vois enfin complète ».
A son futur mari, infirmier improvisé, elle montre vite qu’il s’est fait du mouron pour rien, lui qui craignait qu’avec sa poitrine lui pousse un caractère de bimbo prétentieuse ! Les clichés ont la vie dure. Il est le premier à voir le bonheur d’Anouchka. « Mon homme m’a vue heureuse, libérée, me baladant toute nue dans la maison ! Il m’a vu éclore, il est heureux pour moi ».
Cette confiance en soi arrive presque instantanément et la fiancée, par ailleurs manager d’une équipe, s’en réjouit.
« J’avais une revanche à prendre : aller enfin à la piscine avec les copines ! ». A sa surprise, elle ose appeler une vendeuse depuis la cabine d’essayage des maillots de bain, dont elle sort sans la moindre gêne pour demander conseil. Inimaginable quelques semaines plus tôt. Puis elle va trier et jeter. Tout ce qui était ample, tous ces cols ronds. Et enfin acheter du décolleté, du col en V. Les soutien-gorge ? Rien ne presse. Ses seins sont beaux et libres sous les nouvelles tenues d’été. L’apothéose, c’est la robe de mariée. Quand chez la couturière elle se glisse dans cette robe à corset dont elle n’osait rêver, les larmes jaillissent « je pleure de soulagement, c’est ça que je voulais être »… et Maman, toujours là, pleure de réaliser à quel point ce complexe qui vient de disparaître était profond.
Anouchka pense à cette amie de toujours, compagne d’infortune et de chaussettes dans le soutif à l’adolescence. Celle qui est encore bloquée dans toutes les peurs et les mauvaises excuses. « Je réalise que ce n’est que de l’appréhension. J’aimerais que mon amie soit deux minutes dans les baskets d’Anouchka complète. Elle se dirait « c’est donc ça ! » et elle lâcherait prise à son tour ».
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