Le récit et le visage : Martine

Martine (retourne) à la plage

Opérée en février, elle comprend dès mars que la première équipe médicale n’a pas retiré l’intégralité de la tumeur

Martine a 58 ans quand, en 2014, elle se voit diagnostiquer un cancer du sein droit. Tumorectomie, radiothérapie. La professeure d’anglais de Perpignan, mère divorcée de deux grands enfants -qu’elle a allaités- reprend sa vie.

« A cette époque, je suis heureuse de ce que je suis devenue, j’accepte, c’est la pathologie qui commande ! », raconte-t-elle, philosophe à l’accent délicieux. Sans qu’on sache pourquoi, en 2018 c’est la récidive, du même côté. Impossible de refaire des rayons.

La mastectomie complète est la seule option.

. « C’est dur à avaler et, pour que ça passe, pour atténuer le choc que me renvoie le miroir tous les matins, je me répète qu’on m’enlève le cancer avec le sein. Je me cale sur cette idée et je dis au-revoir à mes seins ». Elle vit ainsi deux ans, à glisser dans son soutien-gorge une prothèse externe qu’il faut tenir y compris pour aller nager, quitte à la tenir en sortant de l’eau.

Une affaire de sœurs

Martine a rejoint un groupe où se soutiennent celles qui traversent et celles qui ont traversé des situations comparables. Du yoga, des soins du visage, un anti-ghetto joyeux où l’on écoute beaucoup mais où ne parle que celle qui le veut. Martine est effondrée quand la récidive tombe. Dans le groupe, d’autres femmes sont passées par là.

Leurs mots sont précieux, dont celui de « reconstruction ». Martine va voir un chirurgien, n’aime ni son contact ni les mauvais échos qui lui parviennent.

Le tournant vient de sa sœur XXX.

« On est trois sœurs, et toutes les trois nous avons eu un cancer du sein !

XXX, mon aînée/ma cadette/la benjamine, vit en région parisienne. Elle est suivie par une oncologue, France Rochard, qui lui dit que si elle devait être opérée du sein, elle choisirait Muriel Perrault de Jotemps ».

Martine se laisse facilement convaincre de prendre rendez-vous.

J’ai aimé son parcours. Qu’elle ait beaucoup bossé, voyagé, ça donne confiance
« Avant d’y aller, on a juste regardé son site, qu’on a trouvé clair.

Tout est bien présenté. J’ai aimé son parcours. Qu’elle ait beaucoup bossé, voyagé, ça donne confiance. C’est plus tard, après le rendez-vous, que j’ai cherché des avis sur Internet.

Ils étaient dithyrambiques et je les ai lus 100 fois ! ».

Quand une femme parle de son sein à une autre femme, l’autre femme ne peut que ressentir

Quatre ans après ce premier contact, Martine

se rappelle une consultation joyeuse, dense, où l’on s’écoute, où l’on échange beaucoup, consciemment ou non. Ce qu’elle vit comme une première étape dans la reconstruction « Dans un service d’onco, on se sent un numéro. La maladie est banalisée, elle peut arriver à tout le monde et une autre peut en mourir avant moi. Les oncologues se blindent parce que pour eux, c’est quotidien. Les consultations sont brèves, ça alourdit le sentiment de peu d’empathie.

Mais ce jour-là, chez le Dr Perrault, on a le temps ». 

La première question de Martine, c’est celle de l’âge « Je lui demande si je ne suis pas trop vieille, elle me convainc du contraire, elle me dit qu’il faut oser, que c’est essentiel, même.

Dans un service d’onco, on se sent un numéro. Mais ce jour-là, on a le temps

Quand je vais rentrer à Perpignan, mes enfants vont me dire pareil, mon ex-mari aussi.

Mais au fond, en quittant le cabinet du docteur j’ai déjà pris ma décision ».

Celle d’une intervention où patiente et chirurgienne sont parfaitement sur la même ligne.

« J’ai le sentiment qu’entre femmes on s’est mieux comprises. Ce qu’elle m’a proposé était crédible, joli, proche de la poitrine que j’ai longtemps eue. »

J'ai rajeuni ma poitrine. .J’en ai moins mais je suis ravie.

Mon sein droit est joli, mon gauche est chouette, j’ai rajeuni ma poitrine !

J’ai vu des poitrines ratées, mais là c’est de l’orfèvrerie. J’en ai moins mais je suis ravie, je refais du sport, je nage. Je peux porter un maillot bandeau poitrine. Je peux mettre un décolleté. Ça m’a changé la vie ». Même s’il ne s’agit pas vraiment d’une intervention invisible…

« J’ai des cicatrices. Forcément. Une balafre à l’horizontale, celle de la mastectomie mais aussi celle de la renaissance par ou Muriel est passé pour mettre la prothèse. Ça ne me gêne pas. Ça fait partie de moi. Je ne trouve pas ça moche ».

« Tu fais la belle ! »

« Le jour où on m’a retiré les fils, j’ai filmé ma poitrine. Les copines m’ont dit ‘tu fais la belle !’.

Depuis, toutes les filles de la famille m’ont vue torse nu. Mon médecin généraliste m’a dit ‘c’est magnifique’. L’oncologue que je vais voir a trouvé que c’était un très beau travail ».

Ça change aussi sa relation à la maladie. « Je n’ai plus cette pensée du cancer qui me revenait tout le temps. C’est une opération esthétique, celle de mes seins qui commençaient à tomber ! Je me sens normale, rajeunie même. Ça m’a redonné confiance en moi et estime de moi ».Martine n’a pas quitté son groupe de femmes, devenues des copines. Un jour, après une séance de reiki, à celle qui aimerait bien un peu plus de poitrine, elle va montrer son sein. Sidérée, la copine demande si elle peut toucher, s’ébahit que ça soit « moelleux, vachement bien fait » ! Et puis il y a cet homme, qui sans le demander était tout à fait invité à toucher, et ne s’est rendu compte de rien… « J’ai beau l’avoir d’abord fait pour moi, bien sûr que j’ai pensé à ma vie amoureuse » sourit Martine.

Ose, osons, osez

Il n’y aurait pas d’un côté la peur et de l’autre l’audace. La décision à prendre, c’est celle d’un saut entre deux courages, celui de la résignation et celui de la reconstruction.

« Un sein en moins c’est quelque chose. J’aurais pu vivre sans. Il y a pire, une jambe, un œil. Heureusement que Muriel m’a dit ‘il faut oser’. Je me serais flétrie, je me serais aigrie si je ne n’avais pas osé. Je me félicite tous les jours d’être allée la voir. C’est devenu mon conseil : osez, n’ayez pas peur. Il y a des femmes qui restent ainsi, mal dans leur peau, par peur ou parce qu’elles pensent être trop vieilles. Il faut oser, quel que soit son âge ! »